En Arkhangai, les entretiens avec les éleveurs, les coopératives, les groupements et les acteurs locaux de l’élevage, ont permis d’identifier plusieurs éléments.
Soutenir la production laitière pour les femmes éleveuses de l’Arkhangaï
La plus grosse difficulté pour les éleveurs est d’écouler leur production à bon prix (toute filière confondue), voire de l’écouler « tout court » avec certaines productions qui ne se vendent plus du tout, comme les peaux et les abats que les éleveurs sont obligés de jeter. Un appui à la valorisation des produits est systématiquement cité avec la recherche de marchés plus rémunérateurs et une autonomisation vis-à-vis des changers qui contrôlent le marché et fixent les prix sans négociation possible.
Les productions les plus importantes pour les éleveurs sont la viande, le lait et les produits laitiers. La fibre n’est jamais citée spontanément. Lors des entretiens, certaines familles précisent que le lait représente de 50 à 80 % des revenus de la famille. L’étude de Cyrielle RAULT, réalisée en 2012 auprès des membres de la CAAD vient corroborer ces observations. Elle confirme notamment que les deux filières les plus rémunératrice dans la filière yak sont la viande et les produits laitiers. La production de la fibre de yak est citée par 4% seulement des interviewés comme levier de développement et représenterait en moyenne 20% des revenus liés au yak.
Le besoin d’appui pour développer la filière viande est cité systématiquement et plus particulièrement par les hommes rencontrés. De nouvelles règlementations sanitaires sont en cours d’adoption sur la filière, qui obligeront à un abattage réglementé en abattoir avec contrôle sanitaire. Les outils (abattoirs, congélateurs, laboratoires) sont trop peu nombreux en zone rurale actuellement. Développer la filière viande passerait par l’installation de ces outils de travail couteux (évalués à 150 Millions de tugriks par la coopérative de Chuluut), et ce afin de toucher les marchés rémunérateurs de la capitale, voire de l’export. Pouvoir abattre localement, conserver et transporter la viande durant les mois plus chauds (avant novembre) donnerait également un avantage commercial aux éleveurs sur un marché en général demandeur l’été et surchargé à l‘entrée de l’hiver. De plus, appuyer le développement d’une filière viande apparait très pertinente vis-à-vis de l’objectif de régénération des pâturages et de diminution de la charge animale, puisqu’offrant une solution rémunératrice aux éleveurs pour réduire la taille de leurs troupeaux. Plusieurs éleveurs ont cité spontanément cet effet attendu de la mise en place d’une filière viande rémunératrice.
La filière lait intéresse les femmes, puisque leur activité tourne autour de la traite, de la transformation et de la vente des produits laitiers. Les femmes rencontrées nous ont fait remarquer la part importante de la filière dans le revenu des ménages (de 50% jusqu’à 80% selon les foyers) et elles ont exprimé des besoins d’appui au niveau de la production et de la valorisation des produits.
Forts de ces constats, et considérant que le budget prévisionnel envisagé est difficilement compatible avec un projet impactant sur la filière viande ; AVSF souhaite en priorité expérimenter la filière viande dans la province de Bayankhongor ; travailler sur la filière lait et produits laitiers permettra de proposer un appui spécifique à des groupes de femmes, et d’avoir un impact sur la qualité et la valorisation de la production et donc potentiellement un impact sur la composition et la taille des troupeaux, un consensus s’est dégagé pour un projet sur la filière lait et produits laitiers avec des groupes d’éleveuses.
Cette idée a été également validée par des groupes d’éleveurs (hommes et femmes), ainsi que par le directeur de la Fédération des Eleveurs de l’Arkhangai (FEA) et le Directeur des services vétérinaires de Tsetserleg, et ce malgré le fait que des actions dans le domaine de la production laitière ont déjà été menées par AVSF et la FEA depuis les années 2004. Chacun estime que des besoins sont encore présents et notamment auprès des femmes et plus spécifiquement des jeunes femmes.
Un nouveau souffle pour la Fédération des éleveurs de l’Arkhangaï (FEA)
La FEA a été créée au milieu des années 2000 dans le cadre de projets menés par AVSF et dont à l’époque l’axe principal a été la santé animale : création de groupements de défense sanitaire, gestion des maladies contagieuses graves, formations, campagnes de vaccination et de déparasitage… Par la suite, les actions de la FEA se sont déployées sur la valorisation commerciale de productions via la création d’une coopérative, la CAAD. La fédération existe toujours et compte 300 éleveurs membre, mais elle fonctionne au ralenti depuis quelques années, faute de moyens et de modèle économique fonctionnel et également par suite des problèmes de santé de son Directeur (Bassanjav), leader plébiscité par tous et toutes.
En déléguant, avec un appui technique perlé d’AVSF, la mise en œuvre des activités du projet PLEDGE à la FEA, il est envisagé que celle-ci puisse se redynamiser grâce aux moyens déployés auprès de l’équipe salariée, et se pérenniser autour d’une vision commune, un modèle économique viable et la formation d’une équipe de relève.
Quelques enjeux transversaux abordés par le projet
Le projet souhaite avoir une vision d’avenir pour un élevage nomade attrayant pour les nouvelles générations et préservant la qualité de ses pâturages et de ses ressources. Il souhaite s’adresser en priorité aux jeunes femmes, car leur rôle économique dans les familles nomades de l’Arkhangai pèse pour plus de 50% des revenus fu foyer et c’est donc leur activité qui peut avoir un impact durable sur l’environnement et la qualité de vie des familles. Le projet aimerait offrir un espace dédié aux projets et besoins des femmes nomades. La porte d’entrée est volontairement ciblée vers la production économique de l’élevage, mais en cours de projet, et selon les échanges permis dans les collectifs, d’autres activités, peut être très différentes pourraient voir le jour (santé, social, …).